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Témoignage de l’instituteur, secrétaire de mairie M. Lemoine

 

MÉMOIRE TRÈS SUCCINCT
RETRAÇANT L’EXISTENCE D’UN INSTITUTEUR
PENDANT L’OCCUPATION ALLEMANDE 1914-1918

 

COMMUNE D’AVIOTH – MEUSE

    la mobilisation du 1er août 1914 me surprit à Avioth où j’étais instituteur depuis huit ans. J’aurais été heureux d’aller rejoindre mes camarades sous les drapeaux et combattre avec eux pour le Droit et la justice, mais pour cause d’infirmité un certificat d’exemption militaire m’avait été délivré par le Conseil de révision en 1897.
    Je restai donc à mon poste et la lettre suivante, datée du 5 août 1914, de M. le Sous-préfet de Montmédy m’encouragea dans ma résolution:

« Les instituteurs qui ne sont pas appelés sous les drapeaux n’hésiteront pas à faire au pays le sacrifice de leurs vacances ; ils resteront à leur poste jusqu’à la fin de la crise.

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Ils offriront leur concours aux autorités civiles et militaires. Tout citoyen trouvera près d’eux des conseils, tout père de famille du réconfort. Ils auront soin de mettre la population en garde contre les fausses nouvelles, lui rappelant que toutes les dépêches officielles méritent créance. Ils donneront dans chaque commune l’exemple du sang-froid et du zèle patriotique comme leurs collègues plus jeunes donneront dans chaque régiment l’exemple de l’héroïsme ».
    Je restai, confiant dans le succès de nos armes et formant des voeux pour une guerre courte et glorieuse.
Le 28 août suivant, j’appris avec stupeur l’abandon, par nos troupes, de la place de Montmédy et la retraite de l’armée française. Le lendemain, venant de Breux, les Uhlans, revolver à la main, faisaient leur entrée à Avioth.
Quelle douleur pour mon coeur de Français ! Qu’allions-nous devenir ? Nous étions à la merci d’un ennemi arrogant et barbare et ce que nous savions de ses atrocités en Belgique n’était pas pour nous rassurer.
Avec angoisse, nous nous demandions, si la guerre durait longtemps, ce que nous ferions sans argent, sans vivres et sans effets d’habillement. Nous étions prisonniers dans notre village, sans nouvelles de nos familles restées en pays occupé et non occupé.
Jusqu’au 27 septembre 1914, le village resta sans Kommandanture et, le coeur serré, nous assistions aux passages de troupes allant sur le front, aux passages de convois, à l’arrivée d’officiers descendant d’automobiles pour s’approvisionner d’oeufs, de beurre, de lait et de volailles chez les cultivateurs du pays. Le bruit du canon ne discontinuait pas, les avions boches ne cessaient de survoler et pour nous décourager l’ennemi propageait journellement les plus fâcheuses nouvelles.
C’est alors que je résolus de faire des cachettes. Dans mon jardin, j’enterrai toutes les bouteilles de vin blanc et de vin rouge qui me restaient et j’eus la joie de les retrouver toutes et d’en offrir aux officiers américains après l’armistice. Dans mon grenier, je déclouai, avec mille précautions, quelques planches qui se trouvaient au-dessus d’un plafond. Et dans le vide qui se trouve entre le plafond et le plancher, je mis la laine de deux matelas, tous mes cuivres : chandeliers, bassinoire, antiquités, phonographe, etc. L’armistice signé, je retrouvai le tout intact.
Le samedi 27 septembre à 7 heures du matin arrivaient devant la mairie quelques cavaliers conduits par un sous-officier. Celui-ci me réquisitionna aussitôt avec le maire pour trouver dans le village la place où logeraient 7 officiers, 150 hommes et 110 chevaux qui devaient arriver à 9 heures du matin venant de Couvreux (Belgique). Le cantonnement fut terminé une heure plus tard et à l’heure désignée, hommes, chevaux et convois faisaient leur entrée dans le village. Ces soldats faisaient partie de l’Etappen-Fuhrpark, colonne n° 2, 5e Armée – Corps sous les ordres de von Bredo, Rittmeister et commandant de colonne.
J’eus à loger dans une chambre, au-dessus de ma cuisine, un nommé Schmock, Feldzahlmeister (trésorier en campagne). D’un physique désagréable, très rouge de figure, les cheveux roux, il était originaire de Berlin, était célibataire et avait l’aspect d’un alcoolique. Nous comprîmes de suite que nous étions très mal partagés et que nous devions nous défier. Mais que dire et que faire, ce n’était pas le moment de protester. Le commandant de colonne von Bredo avait son logement à cent mètres environ de chez moi. Le bureau du Zahlmeister fut installé dans la salle de la mairie juste en face de la chambre de notre hôte et sur le même carré. Tous les soirs, le Zahlmeister vidait, dans sa chambre ou dans une chambre voisine, en compagnie du vétérinaire de la colonne, quantité de bouteilles et de flacons.
Je repris ma classe le mardi 3 novembre et le nombre de mes élèves s’était augmenté de cinq enfants nouveaux, émigrés de Cheppy, arrivés avec leurs parents et amis, au nombre de 23, le samedi 3 octobre. Le lendemain soir, vers 9 heures (c’était le 4 novembre), j’étais seul dans ma cuisine. Ma femme et mon fils âgé de 12 ans salaient quelques quartiers de lard en compagnie de Madame Rémy Nicolas et de sa fille âgée de 30 ans. On frappa à ma porte, je dis « Entrez ! ». C’était le Zahlmeister. À ses gestes et paroles, je compris qu’il avait bu et désirait quelque chose. Je rappelai vite ma femme, tous les quatre remontèrent de la cave.
Aussitôt, dans un mauvais français et d’un accent guttural, il me dit : « Monsieur, je veux votre femme pour passer la nuit ». Jugez de notre effroi à tous. Joignant le geste à la parole, il se dirigea de suite vers ma femme, glacée de terreur, en lui tendant les bras. Je m’interposai entre les deux et pendant quelques instants, nous tournâmes autour de notre table, lui plein de désir et ma femme épouvantée. Jamais je n’oublierai ce visage bestial, congestionné par l’alcool, les yeux pleins de convoitises, c’était la bête en délire. Les deux autres femmes étaient figées par la peur et mon fils mêlait ses cris à ceux de sa mère. Gardant mon sang-froid, je compris que la situation ne pouvait s’éterniser et qu’un malheur ne pouvait qu’arriver. J’envoyai vite mon fils chez le maire qui demeurait à 40 mètres de là pour lui expliquer la situation et lui dire de prévenir le commandant. L’enfant courut chez le maire, il le trouva en compagnie de sa femme, de son fils et d’un conseiller municipal. Le maire répondit : « Je ne me dérange pas, débarrassez-vous de lui comme vous pourrez ». L’enfant accourut me rendre réponse ; ma femme défaillait. De nouveau, je criai à mon fils : « Cours vite chercher le commandant ». La porte à peine ouverte fut refermée avec violence par l’Allemand furieux et d’une voix rude il nous cria : « Restez ici, vous êtes tous prisonniers ». Puis bondissant vers la porte, il l’ouvrit, et se mit à gravir quatre à quatre l’escalier de sa chambre. Qu’allait-il faire ? Nous ne le sûmes pas car, n’attendant pas son retour, les deux dames qui étaient chez nous s’enfuirent dehors au plus vite par la porte entrouverte. Ce que voyant, le Boche redescendit aussitôt et se mit à les poursuivre, mais en vain. Profitant de son absence, ma femme, mon fils et moi sortirent [sic] ; mon fils courut chez le commandant, ma femme chez le maire. Mon infirmité m’empêchant de courir, je venais de franchir la porte quand la brute revenant sur moi me saisit à la gorge, me colla contre la porte et me frappa à la poitrine de son autre main en hurlant : « Rentrez ! vous êtes prisonnier ! « . Criant : « Au secours ! « , ma femme arrivait chez le maire. La porte était fermée, elle se dirigea vers la fenêtre de la chambre à coucher, on souffla la lampe. Elle eut beau supplier le maire de venir, ses appels furent vains, et cependant ses cris avaient fait sortir sur le pas de leur demeure beaucoup de personnes qui, après s’être rendu compte de ce qui se passait, rentrèrent et s’enfermèrent chez elles. J’étais toujours aux prises avec la brute en démence, recevant quantité de coups, sa main ne quittait pas ma gorge et je pus à peine crier à ma femme qui revenait désespérée : « Dépêche-toi, j’étouffe ». Folle de désespoir, toujours criant, elle courut chez le commandant. Ce que voyant, la brute me tâcha pour poursuivre ma femme et l’empêcher d’aller plus loin. J’étais sauvé car je courus, tant bien que mal, chez Madame veuve Didier Collet, une voisine. Elle me fit entrer et me prépara une retraite dans le jardin en cas de retour du misérable. Bientôt ma femme et mon fils reparurent en compagnie du commandant. D’une voix terrible, il traita mon agresseur de noms ignobles et le fit rentrer de suite dans sa chambre et garder toute la nuit par une sentinelle baïonnette au canon. Une seconde sentinelle, également baïonnette au canon, monta la faction dehors en face de sa fenêtre. Une enquête rapide fut faite par un sous-officier qui nous rassura et nous conseilla d’aller dormir. Mais encore sous le coup de la frayeur, nous passâmes la nuit, tous les trois, dans notre cuisine, sur une chaise, anéantis, en proie à la tristesse la plus poignante.
Le lendemain matin, vers 9 heures, un douanier retraité, M. Gérard, était chez moi et s’informait de l’attentat de la veille.
La porte s’ouvrit et le Zahlmeister, par ordre du commandant, vient me supplier de le pardonner. Mais le coup était porté et ma femme, déjà nerveuse avant la guerre, tomba sans connaissance quelques jours plus tard. Elle eut trois crises la même journée et plus d’une douzaine jusqu’en 1918. Le docteur allemand consulté a dit qu’elle était atteinte de congestions nerveuses très graves dues à la peur. Aujourd’hui, elle n’est pas guérie.
Le 19 novembre, la colonne Bredo quittait Avioth, se dirigeant vers Sivry-sur-Meuse.
Le 1er décembre 1914, vers midi, arrivait à Avioth la colonne Feld-Train-Kompagnie n° 1, 6e Armée – Corps sous les ordres de l’Oberleutnant Hobberg ; elle se composait de deux cents hommes environ. Cette colonne resta tout le mois de décembre au village, le bureau de la Kommandanture fut installé chez M. Motsch, brasseur, et le commandant de la colonne fut logé chez moi. De ce dernier, je n’ai pas à me plaindre. Le 20 décembre, je fus prévenu d’évacuer la salle de classe pour le 22 à midi, les officiers ayant l’intention d’y faire leur fête de Noël. Les tables, bureau furent portés sous le préau de l’école, les cartes et le matériel scolaire dans une de mes chambres. Des soldats procédèrent aussitôt à la décoration de la salle avec des guirlandes et des branches de sapin. Des tables sur tréteaux furent chargées de cadeaux aux soldats et de bouteilles. Toute la nuit, on but et on chanta et mon cœur se serra de voir ainsi ma salle de classe profanée par l’ennemi.
Je repris ma classe le 4 janvier 1915. Le 10 du mois, une autre colonne, l’Etappen-Ferde-Depot der 5` Armee, sous les ordres du lieutenant Günther, occupa le village. Quelques jours après une perquisition eut lieu pour les objets en cuivre. Ce lieutenant pénétra dans ma classe et s’empara des deux plateaux d’une balance Roberval et d’une petite lampe en cuivre, à alcool, destinée aux expériences de sciences.
Le 1er mars de la même année, le lieutenant Günther était remplacé à la tête de la même colonne par un Rittmeister nommé Riedinger, exploitant avant la guerre une grande ferme en Silésie. Il demeura à Avioth jusqu’au 13 novembre 1918 et, par sa dureté, sa férocité pour les civils, mérita le nom de Tigre. Il se livra à de grands travaux agricoles et de jardinage et contraignit toutes les personnes valides, hommes, femmes, filles et enfants à travailler aux champs tous les jours, par la pluie, le froid et le soleil. Dès l’aube, après l’appel, les ouvriers et les ouvrières allaient cultiver la terre, planter, semer, faire tous les travaux d’entretien et de récolte. Tous les enfants de ma classe, filles et garçons, à partir de 9 ans, étaient occupés à divers travaux dans les champs et allaient aux saisons voulues ramasser les fruits des arbres fruitiers et les baies d’aubépine.
Ma salle de classe me fut enlevée définitivement en octobre 1916 pour en faire d’abord une salle de lecture, une salle de visite pour malades, une salle d’expérience pour les gaz asphyxiants, une salle d’exercices pour le maniement du fusil, de musique, de chant, de fêtes de Noël et d’autres, enfin de dortoir et de réfectoire pour 30 soldats.
Pour ne pas laisser les enfants sans instruction, je fis classe dans la salle qui servait à distribuer le ravitaillement américain. Pendant plus de deux ans, cette salle fut transformée en magasin et en salle de classe ; tables, tableaux et bureaux étaient enlevés pour faire place à des sacs de farine et à des tonneaux de graisse, etc. ; le ravitaillement terminé, tout était remis en place pour recevoir les élèves. Pendant la guerre, l’instruction a beaucoup souffert, les absences des enfants étant fréquentes.
Continuellement dérangés dans leurs études pour aller travailler aux champs, ces enfants ont beaucoup perdu comme instruction et éducation. En compagnie de tous les ouvriers du village, ils entendaient journellement et voyaient ce qu’ils ne devaient pas voir ni entendre et ils ont rapporté en classe des habitudes d’indiscipline, de paresse et d’impolitesse.
Pendant que les plus grands étaient occupés aux champs, les tout-petits continuaient à venir en classe. L’heure allemande étant en avance de deux heures sur l’ancienne heure française, ces jeunes enfants, leurs livres sous le bras, arrivaient le matin, les yeux encore rouges de sommeil. Les travaux agricoles étant terminés pour le 15 novembre, ma classe se remplissait d’élèves et je les encourageais à persévérer dans leurs études. Un examen du C.E.P devait avoir lieu à Montmédy en octobre 1917. Cinq élèves âgés de plus de 13 ans, après une journée de travail pénible, revinrent tout le mois de septembre, de 8 heures à 9 heures du soir, repasser leurs leçons chez moi. Le 8 octobre, j’eus la satisfaction de voir leurs efforts et les miens couronnés de succès ; tous furent reçus à l’examen. Le lendemain, ils reprenaient, comme d’habitude, leurs travaux dans les champs.
Dans les premiers jours de décembre 1915, le Rittmeister Riedinger décida d’offrir quelques cadeaux aux enfants de l’école et aux enfants plus jeunes. Il m’obligea à lui fournir la liste des cadeaux choisis par ces enfants et le jour de Noël eut lieu la distribution, en présence des officiers et des sous-officiers de la colonne. Quelques civils avaient accompagné les enfants à la distribution. Je refusai d’assister à la fête et je sus qu’un de mes élèves, c’est triste pour moi de le raconter, âgé de 12 ans, Pierre Jodion, émigré de Cheppy, avait lu un discours aux officiers et les avait remerciés de leur générosité. Soldats et civils avaient ensuite trinqué et bu quelques bouteilles de vin blanc et chanté quelques cantiques de Noël. Le Rittmeister ne me pardonna jamais d’avoir refusé d’être des leurs ce jour-là et me fit endurer, ainsi qu’à ma femme et à mon fils, toutes sortes de vexations et d’humiliations.

NOURRITURE

     Pendant l’occupation allemande, un de mes premiers soucis fut d’assurer l’existence de ma famille et ce ne fut pas chose facile. Les autorisations de circuler dans les villages voisins étaient délivrées difficilement, puis plus tard refusées. Ma femme a acheté en Belgique du pain à 0,601e demi kilogramme, du sel à 1,601e demi kilogramme, du café et du lard à des prix exorbitants. Nous fûmes huit jours sans pain et nous remplaçâmes souvent celui-ci par des pommes de terre cuites au four de la cuisinière. Cela dura ainsi jusqu’en mai 1915, époque où fut délivré le premier ravitaillement américain. Longtemps, il fut insuffisant et peu varié : de la graisse, de la farine, des haricots et du sel.
Peu à peu il s’améliora mais jusqu’en février 1919, il ne nous fut délivré que 300 grammes de pain par jour et par personne, c’était insuffisant. Pour permettre à notre fils de supporter les fatigues des travaux que lui imposaient les Boches, nous dûmes, plus d’une fois, lui donner notre part de pain. Très difficilement et en cachette, nous avons pu acheter à quelques cultivateurs une petite quantité de litres de lait. Et pourtant, il a été fourni à la Kommandanture, par réquisitions inscrites en mairie, 192 109 litres de lait et 21 745 oeufs. Les cultivateurs auraient pu mieux ravitailler les civils privés de vaches et de poules, mais ils préféraient vendre leurs produits aux soldats pour toucher plus d’argent. C’est triste à dire. Pendant trois ans, nous avons manqué de viande fraîche. L’orge que ma femme avait glané remplaçait le café et servait de boisson que nous prenions sans sucre. Heureusement que les produits de notre jardin nous aidaient à vivre, le ravitaillement ne nous suffisait pas. L’armistice a amélioré cet état de choses. Il était grand temps car je sentais mes forces diminuer de jour en jour.

CHAUFFAGE

    Il a été insuffisant pendant toute la durée de la guerre, et il l’est encore actuellement. Il était défendu aux civils de se procurer le bois nécessaire à leur chauffage et le peu de bois qu’on pouvait se procurer était vert et brûlait difficilement en donnant très peu de chaleur. Mes élèves et moi souffrirent [sic] plus d’une fois du froid, le bois faisant défaut ou ne brûlant pas. Pour faire cuire nos aliments, ma femme et mon fils allèrent plus d’une fois dans la forêt distante de plus de deux kilomètres chercher du bois sur une brouette.

ÉCLAIRAGE

    Il fit défaut dès le début de la guerre, aucune provision en pétrole n’ayant été faite, et il était impossible de s’en procurer, à n’importe quel prix. Je dus me servir de veilleuses trempant dans la graisse, ce qui donnait une lumière vacillante et très pâle. Puis j’ai pu acheter du carbure à cinq francs le kilogramme et en ce moment je rédige ce mémoire avec cette lumière.

VÊTEMENTS

   Ne pouvant remplacer les effets usés ou trop courts, ma femme dut s’ingénier, pour avoir des vêtements sinon élégants, du moins confortables, à faire des reprises ou à mettre des pièces variées en couleurs sur les vêtements usagés. Le ravitaillement américain en chaussures et en vêtements a été complètement insuffisant pendant toute la durée de la guerre.

ASSISTANCE DE LA MUNICIPALITÉ

   Il m’a fait complètement défaut pendant l’occupation. J’ai dû emprunter de l’argent avec intérêts pour acheter cahiers, plumes, encre, craie, nécessaires au fonctionnement de ma classe et du secrétariat de la mairie. Et pourtant l’argent ne faisant pas défaut dans la commune. Pour conserver intact le matériel scolaire, j’ai dû le cacher dans mon grenier et dans ma bûcherie.

SECRÉTARIAT DE MAIRIE

    Comme secrétaire de mairie, j’ai eu un travail écrasant pendant l’occupation allemande. Chaque jour, il me fallait inscrire les réquisitions de foin, de paille, d’avoine, de pommes de terre, d’oeufs, de lait et de beurre, les déclarations de chevaux, de bêtes à cornes, de porcs, de volailles, d’outils, etc. et fournir à la Kommandanture, le plus tôt possible, les listes de déclarations. Quatre fois par semaine et pendant trois ans, ma femme a reçu des cultivateurs les oeufs réquisitionnés qu’il fallait porter chaque soir à la Kommandanture. Et pour ce travail aucune rétribution ne m’a jamais été faite.
Grâce à l’armistice, nous sommes délivrés de ces Barbares et nous avons applaudi de tout coeur aux succès de nos armées. Nous savons aussi que nos soldats, pour obtenir la victoire, ont beaucoup souffert sur les champs de bataille, dans les tranchées, dans les airs et sur les mers. Nous offrons nos souffrances à notre France glorieuse et nous ne voulons plus penser qu’à instruire la jeunesse nouvelle pour que la France de demain soit toujours la première des nations du monde.

Avioth, le 6 mars 1919

L’instituteur, A[rmand] Lemoine.

VERDIER (P.). – « Les instituteurs meusiens, témoins de l’occupation allemande 1914-1918 ». – COLLECTION MEUSE ARCHIVES DEPARTEMENTALES, VERDUN, 1997

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