Par l’Abbé Constant VIGNERON
n ne peut guère parler d’Avioth sans penser aussitôt à la belle église ogivale qui est son orgueil. Cette église, commencée à la fin du XIIIe siècle, ou début du XIVe, est bâtie en pierre du pays : elle était le joyau de l’ancien comté de Chiny en ce pays frontière. Sa facture, son plan sont d’origine française (champenoise). Sa Madone a été sculptée dans le chêne de nos forêts par un «imagier» du XIIe siècle et fut sans doute vénérée dans une église romane plus modeste, que l’église actuelle a remplacée au même endroit.
Avioth a possédé une maison-Dieu établie dès 1097 pour héberger (et soigner) les pauvres de passage ; au cadastre de 1848, il existe un lieudit « hôpital », dont les terres furent sans doute léguées à l’hôpital pour l’aider à couvrir ses frais, et l’on sait par ailleurs qu’au XVe siècle l’hôpital d’Avioth possédait, avec son bâtiment, un potager et un pré. Avioth a eu aussi une léproserie.
Avioth a été dans le XIVe siècle le siège d’un atelier monétaire des comtes de Chiny.
Au XVIe siècle, Avioth avait un marché hebdomadaire, et quatre foires par an. Ces foires se sont maintenues, même aux XVIIIe et XIXe siècles, quand le pèlerinage fut en sommeil : l’annuaire de l’an XII (paru en 1803) ne cite que deux foires à Avioth après la Révolution : 28 octobre et 1er mars ; elles ne sont tombées totalement qu’en 1914, mais se faisaient en dernier les 27 janvier et 23 mai.
Deux moulins ont existé à Avioth, tous deux disparus aujourd’hui.
En amont, près du chemin de Breux, le moulin Sourdaux, du nom de son dernier propriétaire. Il a fonctionné jusqu’en juin 1901, date de sa destruction par un incendie. Insuffisamment assuré, le propriétaire n’a reconstruit que la maison de culture : le moulin, qui moulait chaque jour une dizaine de quintaux de blé – sans parler du seigle et d’autres grains pour les ruraux voisins – n’a jamais été reconstruit, et sa clientèle est alors passée aux moulins de Juvigny, plus importants et équipés depuis longtemps en cylindres. Sans l’incendie, Sourdaux lui aussi se proposait de s’équiper en cylindres.
Seule photographie connue du Moulin Sourdaux. Elle a été prise par M. Desseille, habitant d’Avioth et maître de forges à Thonnelle, à la fin du XIXème siècle. (Collection Louis Hennequin)
Le second moulin d’Avioth est situé au confluent de la Thonne et du ruisseau de Breux ; désigné au cadastre comme « moulin », il s’appelle toujours à Avioth « la filature ». Cette « usine » hydraulique a été fondée en 1817, affirme le Journal de Montmédy de 1901, qui l’appelle une « manufacture de couvertures ». Dans les derniers temps M. et Mme Léger exploitaient la filature avec leurs enfants (garçons et filles) et deux ouvriers : c’était donc une entreprise familiale ; elle s’est éteinte doucement au mariage des grands enfants vers 1890 -1895. On y filait et on y teignait la laine (achetée chez les producteurs) ; on y lissait le fameux droguet de nos ancêtres, étoffe peu coûteuse de laine (ou laine et fil), mais le droguet d’Avioth était assez fin. Au moins à l’origine on a dû y fabriquer d’autres tissus de laine comme le molleton, mais aussi de coton, de soie, de siamoise (soie et coton), et de chanvre (Alfred Pierrot, dans le Journal de Montmédy). En 1914-1918, les Allemands ont occupé la filature, et dispersé dans le village son matériel inutilisé. Le bâtiment lui-même a été démoli en 1922 ; et le canal de fuite des eaux du moulin, appelé le canal de la forge, parce qu’il conduisait les eaux du ruisseau de Breux et de la Thonne depuis la sortie du Moulin (filature) jusqu’à la forge de Thonnelle (construite en 1827), a cessé d’être entretenu, et les eaux ont repris leur ancien cours dans la vallée.
Un « Chaufour » figure au cadastre d’Avioth (presque tous nos villages fabriquaient leur chaux dans leur four à chaux); il était placé au-dessus du chemin de Thonne-le-Thil.
A l’état des sections (1849), je constate que le moulin Sourdaux est un peu plus imposé que l’autre (Revenus respectifs de 200 francs et 180 francs) ce qui suppose alors une plus grande activité au moulin Sourdaux. J’y relève aussi comme propriétaire foncier d’Avioth le nom de Jean Jacques, imprimeur sur étoffes à Paris : est-ce un membre de la famille qui lança la « manufacture de couvertures » de 1817 à Avioth ?
Il reste une activité à signaler à Avioth, celle de la brasserie Motsch. Fondée en 1890, cette brasserie naissait au moment où les vignes de chez nous commençaient à disparaître. C’est la bonne époque pour les nombreuses brasseries du Nord-Meusien. Vers 1906, M. Motsch agrandit son établissement et le transforme en le mécanisant. Il y ajoute une distillerie à vapeur. Sa capacité annuelle maxima en bière est alors de 50 brassins, c’est-à-dire 200.000 litres, si l’on estime que le brassin (cuve à brasser) avait une contenance de 5.000 litres, ce qui donnerait à peu près 4.000 litres de bière par cuvée et 2.000 hl par an, en comptant un brassin par semaine. Après 1918 la distillerie fut arrêtée, mais la brasserie continua jusqu’en 1926, date de sa fermeture.
Abbé Constant VIGNERON
Activité « industrielles » du Nord-Meusien – Stenay, 1968.
Activités manuelles non agricoles étudiées sur témoignages oraux et documents écrits pour les 62 communes des trois cantons de Montmédy, Dun, Stenay